dimanche 25 septembre 2011

Mario Rigoni Stern (2)


Cher Jacopo,

Une fois encore je suis descendu de la montagne pour revoir tes chefs-d’œuvre. Je suis allé à nouveau les regarder attentivement et, la nuit dernière, je n'ai pas dormi parce que j'avais en tête tes peintures qui me faisaient réfléchir. Les yeux fermés, j'essayais de distinguer les figures : ce n'était pas celles de personnages, mais d'hommes, de femmes, de jeunes, d'enfants, d'animaux, d'arbres, de maisonnettes, de montagnes, de ciels de notre région. J'avais l'impression de reconnaître dans ces bergers, paysans, artisans, aubergistes, des visages sur lesquels mettre un nom de famille. Dans ces paysages, je retrouvais le profil de telle montagne, l'ombre de telle forêt, la lumière de telle clairière, les pommes de tel pommier. Les moutons mêmes étaient de chez nous, de race "foza", et les vaches, les burline". De même les chiens, les chats, la vaisselle, les meubles. Plus que tout autre, tu as vu en nous et au-delà du paysage. A la fin de la nuit, j'ai glané un peu de sommeil en pleine aurore, après avoir reçu la lumière de l'aube par la fenêtre. Au dessus de la montagne, il y avait ta lumière. (...)
Mario Rigoni Stern, En attendant l'aube, Lyon : La fosse aux ours.

samedi 17 septembre 2011

Erri de Luca (6)

Tu parles des marches et je pense à celles que nous creusons pour monter, la trace laborieuse dans la neige dure, entamée coup après coup par le piolet. Nous fabriquons un escalier qu'une heure de neige peut effacer, derrière nous les marches se referment. C'est beau de ne pas laisser de trace. Si je pense que les pas des premiers astronautes sur la Lune ont laissé des empreintes qui sont encore là par manque de vent et de pluie, je bénis les miens qui se recouvrent.

Erri de Luca, Sur les traces de Nives, Gallimard

Ciel (2)

Ciel (1)