dimanche 25 septembre 2011

Mario Rigoni Stern (2)


Cher Jacopo,

Une fois encore je suis descendu de la montagne pour revoir tes chefs-d’œuvre. Je suis allé à nouveau les regarder attentivement et, la nuit dernière, je n'ai pas dormi parce que j'avais en tête tes peintures qui me faisaient réfléchir. Les yeux fermés, j'essayais de distinguer les figures : ce n'était pas celles de personnages, mais d'hommes, de femmes, de jeunes, d'enfants, d'animaux, d'arbres, de maisonnettes, de montagnes, de ciels de notre région. J'avais l'impression de reconnaître dans ces bergers, paysans, artisans, aubergistes, des visages sur lesquels mettre un nom de famille. Dans ces paysages, je retrouvais le profil de telle montagne, l'ombre de telle forêt, la lumière de telle clairière, les pommes de tel pommier. Les moutons mêmes étaient de chez nous, de race "foza", et les vaches, les burline". De même les chiens, les chats, la vaisselle, les meubles. Plus que tout autre, tu as vu en nous et au-delà du paysage. A la fin de la nuit, j'ai glané un peu de sommeil en pleine aurore, après avoir reçu la lumière de l'aube par la fenêtre. Au dessus de la montagne, il y avait ta lumière. (...)
Mario Rigoni Stern, En attendant l'aube, Lyon : La fosse aux ours.