lundi 16 avril 2012

Antonella Anedda (1)

Pour un nouvel hiver

S'il suffisait de ceci : arriver quelque part
en prononcer parfaitement le nom, être à la maison.

Heureux hiver quand le nouvel hiver est passé
d'un début qui pour nous est encore sans nom
proche du chemin des filets, l'été
peut-être, un faible cercle de lueurs.
Autour des plantes seules
que tu n'aurais pas eu le temps de déplacer
de l'eau sur les pierres soufflées - la grêle
nous ne saurons jamais si elle est arrivée au bruit
qu'elle faisait sur les toits, là à ton époque
dans la propreté blanche et humaine des sanitaires.
Jusque là, juste des pas nets
que tu écoutes peut-être avec un ardent silence
et l'air entre les orangers agités lentement par la main des vivants.

Tu vois, ici pour la première fois, rien ne se perd.
Ce matin, ils ont battu la terre
froide- comblée par la joie des eaux
le vent dans la cour
a oublié pour toi
la barre de la chaise, la nuque renversée.
Bonne nuit maintenant qu'il fait nuit à nouveau
et il est faux que le gel durera
et doucement tu abaisses la pensée
peut-être un déclic déclenche-t-il quelque chose en hauteur
très haut -
une note
au-delà du bec, au-delà des yeux brillants d'un oiseau
un éclair de colline - celle-là en bas
collée au toit vert bronze de l'église.
Bonne nuit à toi
à jamais privée d'abîme une steppe de l'âme étouffée
où l'olivier se plie sans un bruit
Jérusalem de la quiétude
de la quiétude et du tronc qui encercle et inscrit la mort
qui l'aspire dans le vide et dans le vide la jette
et la mâche lentement.

Je n'ai ni voix ni chant
mais une langue tressée de paille
une langue de corde et du sel dans mon poing
plein pour chaque fissure
dans le portail de la maison qui frappe sur le tombeau dur de l'aube
de l'obscurité à l'obscurité,
pour qui reste
pour qui tourne.

Antonella Anedda, in Po&sie N°110, 1975-2004, 30 ans de poésie italienne - 2.  Belin.

Mauro Ferrari (1)

Pas, roches

III
Où il n'y avait que la fronce des collines
les lentes poussées millénaires et le balancement
des bois entre les automnes

une main a déposé un sanctuaire -

pendant les siècles des siècles vinrent
en file indienne, hostile patience, les corps.

IV
Ici tout est comme tu le vois, une herbe qui brille
Trois mois par an ; tout
a le goût d'une entaille dans la peau
et rien, non rien vraiment n'est jamais vraiment vivant.

V
Toute une crête au vent pulvérisée

Mais en un temps que tu ne sauras comprendre, et tu ne verras pas
que cette moraine se fasse poussière, que l'horizon s'ouvre.

Tutta una cresta che sfarina al vento

ma in un tempo incomprensibile, e non vedrai
questa morena farsi polvere, apirsi l'orizzonte.


Mauro Ferrari, in Po&sie N°110, 1975-2004, 30 ans de poésie italienne - 2.  Belin.

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