L'instant où je versai de l'huile de requin sur l'échine du dernier agneau me reste toujours en mémoire. C'est alors que tu enlevas ta chemise et que la lumière de la lucarne où se nichaient les remèdes tomba sur tes seins nus, soulignant d'ombre le poids de leurs courbes. Je vis aussi tes hanches qui s'évasaient à partir de la taille et je me raidis tout entier à ce spectacle. Jamais je n'avais vu chose plus belle sur la terre, sauf peut-être le jour où, assis dans la colline de Küluholt pour cueillir des myrtilles vers la fin du mois d'août, je contemplai le pays inculte jusqu'au rivage au bas de la pente et des cailloutis, et là-bas, resplendissant du vert des chaumes, serrés et vigoureux, les prés fraîchement fauchés de Tungunes, ces trois hectares labourés et ensemencés du haut de mon tracteur Farmall, acheté par l'intermédiaire de l'Union - le premier de ce modèle dans la contrée. Ce lopin vert c'était du "chêne incrusté d'ivoire", comme il est dit du dieu Thor débarquant parmi les hommes. (...)
Bergsveinn Birgisson, La lettre à Helga, Zulma