dimanche 29 mars 2009

Eugénio de Andrade (6)


.........SUR LES HANCHES

Laisse la main

cheminer

perdre haleine


là où l'on ne respire plus


Laisse la main

errer
sur les hanches

seulement complices

du nacre de la langue


Seul un cri depuis le sol

peut le foudroyer


La mort

n'est pas un secret

ni en nous un jardin de sable


La nuit

dans le silence terni des miroirs

un homme

peut tenir la mort par la main


Je vais t'enseigner comment la reconnaître


regarde


c'est encore un gamin

il ne cesse de grandir
sur les épaules
....................la lumière
dénouée


la fauve

lucidité des flancs


La bouche neigeait sur la bouche


Eugénio de Andrade, A l'approche des eaux

samedi 28 mars 2009

Eugénio de Andrade (5)

....................XXVIII

Il n’y a pas d’autre manière d’approcher
de ta bouche : tant de soleils et de mers
brûlent pour que tu ne sois pas de neige :
corps

ancré dans l’été : les oiseaux de mer
couronnent ton visage
de leur vol : musique inachevée
que les doigts délivrent :

lumière répandue sur le dos et les hanches,
encore plus douce aux creux des reins :
pour te porter à ma bouche, tant de mers
ont brûlé, tant de navires.

Eugénio de Andrade. Blanc sur blanc

samedi 21 mars 2009

William Cliff (2)

Gorée (extrait)
...
si nous pouvons partir sur des bateaux
et naviguer de Dakar à Gorée
nous ne pouvons pas toujours sur les eaux
voguer parce que la terre est collée
aux fibres de notre être et fatiguée
d'aller et venir la vieille chaloupe
a besoin que l'on radoube sa poupe
nous devons tous un jour en cale sèche
rentrer pour bien regarder à la loupe
ce que désire notre être revêche

William Cliff, Épopées, La table ronde

William Cliff (1)

Une symphonie (extrait)

J'ai pris un bain j'ai taillé ma tignasse
j'ai coupé ma barbe avec un rasoir
j'ai regardé dans la glace ma face
et vu qu'elle n'était pas belle à voir
alors quittant le carré du miroir
j'ai levé le regard vers les nuages
et qu'ai-je vu dans cette lente nage
de vapeurs finement illuminées ?
nothing nothing sauf qu'en moi le langage
continuait sa démarche obstinée

William Cliff, Épopées, La table ronde
Note de lecture de Benoît Moreau : poezibao.typepad.com/poezibao/2008/06/...

vendredi 20 mars 2009

Eugénio de Andrade (4)

........................VII

Maintenant j'habite plus près du soleil, les amis
ne connaissent pas le chemin : c'est bon
d'être ainsi, à personne,
dans les plus hautes branches, frère

du chant exempt de l'oiseau
de passage, reflet d'un reflet,
contemporain
de n'importe quel regard de surprise,

seulement ce va-et-vient des marées,
ardeur faite d'oubli,
douce poussière à fleur de l'écume,
et seulement cela.

Eugénio de Andrade. Blanc sur blanc.

mercredi 18 mars 2009

Eugénio de Andrade (3)

...............................IV

Tu appuies ton visage sur la mélancolie et tu n'entends
même pas le rossignol. Ou est-ce l'alouette ?
Tu peux à peine supporter l'air, partagé
entre la fidélité que tu dois

à la terre de ta mère et au bleu
presque blanc où l'oiseau se perd.
La musique, donnons-lui ce nom,
a toujours été ta blessure, mais aussi

au milieu des dunes ton exaltation.
N'écoute pas le rossignol. Ni l'alouette.
C'est en toi
que toute la musique est oiseau.

Eugénio de Andrade. Blanc sur blanc.

dimanche 15 mars 2009

Un jour...

Un jour je t'aimerai moins
Jusqu'au jour où je ne t'aimerai plus
Un jour je sourirai moins
Jusqu'au jour où je ne sourirai plus
Un jour je parlerai moins
Jusqu'au jour où je ne parlerai plus
Un jour je cou rirai moins
Jusqu'au jour où je ne cou rirai plus
...

Alain Bashung, Résidents de la république (extrait)

http://www.jiwa.fm/Alain-Bashung-29388.html

Eugénio de Andrade (2)

..................XXXIII

J'habite à présent les yeux des enfants,
je dispose la lumière pour mieux les voir,

le bleu se rapproche de la pupille.


Sur cette place qui m'en rappelle une autre
plus ancienne, les pigeons viennent
boire la solitude de mes mains.

Disons alors qu'un parfum soudain

me rapporte le soleil, une abeille,
ou ces yeux que j'habite à présent.

Eugénio de Andrade. Matière solaire.

samedi 14 mars 2009

Eugénio de Andrade (1)

..................... IV

Ce soleil, je ne sais si je l'ai déjà dit,
ce soleil est la mer tout entière
de mon enfance.

C'est comme s'il était presque midi,
ses cheveux brûlent,
mais je rêve d'une autre bouche.

Où apprendre à devenir eau.


..................... VII

Tu connaissais l'été à son odeur,
le silence très ancien
du mur, la fureur des cigales,
tu inventais la lumière acidulée
tombant à pic, l'ombre brève
où le gamin s'était endormi,
le brillant des épaules.
C'est ce qui t'aveugle, le soleil de la peau.

Eugénio de Andrade. Matière solaire.