....Voyages
Je ne sais que faire de la Terre
De ce pic en Europe, cette plaine en Australie
Et de cet orage en Californie.
Cet éléphant qui sort tout ruisselant du Gange
Il me mouille en passant mais n'a rien à m'apprendre.
Que peut l'œil d'un éléphant devant l'œil d'un homme sensé
Et dans la force de l'âge ?
Je ne sais que faire de ces femmes un peu partout
Sur la Terre plus ronde qu'elles.
Femmes, allez à vos occupations
Ne vous mettez pas en retard.
Jules Supervielle, Gravitations précédé de Débarcadères, Poésie/Gallimard
mercredi 30 septembre 2009
mardi 29 septembre 2009
Guillevic (6)
L'âge mûr
.....IV
Et la mouette, après tout, que pouvait-elle faire
Pour toi ? Quoi te dire et t'apprendre, t'apporter
De tout cela qui te manquait ? Voici l'été.
Le monde est lourd et grand et rien ne se diffère.
Mais la mouette jamais ne pouvait te soustraire
A cette espèce de délire. Et te quitter
Pour le large pouvait tout au plus t'inviter
A te tourner vers autre chose que la terre.
Aime-la pour son vol, pour la tendre couleur
Qu'elle met sur le port et lui fait son ampleur,
Pour ce goût de la mer qu'elle apporte avec elle.
Aime-la si tu peux pour elle simplement.
Avance vers le port où les marins se hèlent.
C'est aux marins qu'il faut parler s'ils ont le temps.
Guillevic, Relier, poèmes 1938-1996, Gallimard
dimanche 27 septembre 2009
Richard Rognet (3)
Quand Jean Grosjean
est mort, je suis allé
dans l'église de montagne
où j'entre souvent pour
retrouver le sens du
silence — quand il est
mort, Jean, j'ai lu
dans cette église,
à voix très basse,
en murmurant comme
la vie murmure quand on
a de la peine, j'ai lu
plusieurs de ses pages. Je
n'oublie pas les poètes
qui rassemblèrent mes paroles
et mes jours divisés.
* * *
Toute une après-midi,
j'ai recopié des noms
de fleurs — il pleuvait,
il ventait, vrai temps
de chien. A la fin,
je ne savais plus, sous
ma main crispée,
si les longues listes
écrites étaient un
passe-temps sans
intention, sans but,
ou le prolongement de
ce corps inconnu que
je sentais frémir
en moi, avec toutes
les fleurs de la terre.
Richard Rognet, Un peu d'ombre sera la réponse, Gallimard.
est mort, je suis allé
dans l'église de montagne
où j'entre souvent pour
retrouver le sens du
silence — quand il est
mort, Jean, j'ai lu
dans cette église,
à voix très basse,
en murmurant comme
la vie murmure quand on
a de la peine, j'ai lu
plusieurs de ses pages. Je
n'oublie pas les poètes
qui rassemblèrent mes paroles
et mes jours divisés.
* * *
Toute une après-midi,
j'ai recopié des noms
de fleurs — il pleuvait,
il ventait, vrai temps
de chien. A la fin,
je ne savais plus, sous
ma main crispée,
si les longues listes
écrites étaient un
passe-temps sans
intention, sans but,
ou le prolongement de
ce corps inconnu que
je sentais frémir
en moi, avec toutes
les fleurs de la terre.
Richard Rognet, Un peu d'ombre sera la réponse, Gallimard.
samedi 26 septembre 2009
Guillevic (5)
Vais-je
M'approcher ?
Arbre, rocher, talus,
Je vous connais.
La distance
Ne m'empêche pas
De vous parler,
De vous écouter,
Mais vous toucher
Me ferait du bien.
* * *
La beauté doit venir
D'un autre monde
Qui s'avance
Jusqu'au nôtre
Et parfois même
L'enveloppe.
Regarde
Cette chapelle romane,
Les près alentours,
Le ciel qui s'incline,
Regarde et maintenant
Ose dire où nous sommes.
Guillevic, Art poétique, Poésie/Gallimard
mardi 22 septembre 2009
Mario Luzi (1)
RENCONTRE
Ce n'est pas l'amour, mais elle me tente encore
cette route demeurée inconnue
de moi à toi, de moi aux autres. Je rencontre
des années au pied des arbres, des années et des baies
tombées, et aux carrefours
une troupe de feuilles
rasant le sol ou soulevées soudain. Désirs
et peines se pressent dans la mêlée,
j'y passe au milieu et je gèle.
.........................................Le temps,
dis-tu, accomplit son œuvre,
déchire la toison des allées, allume
le bûcher. Je suis devenue immatérielle,
ombre qui se déplace dans la flamme
de la mort perpétuelle. Et toi, qui es-tu ?
Une personne réelle ou un esprit
qui revient en songe à cet endroit ?
reste de tant ou de si peu d'années passées,
je suis changée de fille en mère
et une mère, même vaincue, garde sa foi,
reste solide ou feint de l'être sur la terre
car son fils doit apprendre la vie
et puiser dans le sol nourricier, fût-il privé de fleurs.
Cet effort n'aura jamais de fin.
Le vent qui de buisson en buisson fait dévier
la balle et brouille les jeux de l'enfant,
les braises dispersées ; et toi qui parlais tout à l'heure
tu te tais... C'est un instant de notre vie.
Le soleil désormais rassemble ses rayons
au seuil du ciel, peu à peu
il se retire, et le vent n'a pas encore de cesse.
Là où persiste encore un peu de lumière
rouge, comme exhalée entre les cimes, tourbillonnent
quelques feuilles qui vont rejoindre leur troupe.
Rien d'autre ; l'heure nous avertit qu'il faut
reprendre chacun son chemin
dans la foule qui se traîne d'âmes et de dépouilles.
Tu me précèdes, tu ne sais pas s'il est
vraiment une lanterne même cette nuit.
Mario Luzi, Prémices du désert - Poèmes 1932-1956, Poésie/Gallimard
mardi 8 septembre 2009
Apollinaire (1)
...........1909
...
J'aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes
Où naissaient chaque jour quelques êtres nouveaux
Le fer était leur sang la flamme leur cerveau
J'aimais j'aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beauté ne sont que son écume
Cette femme était si belle
Qu'elle me faisait peur
Guillaume Apollinaire, Alcools, Poésie/Gallimard
...
J'aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes
Où naissaient chaque jour quelques êtres nouveaux
Le fer était leur sang la flamme leur cerveau
J'aimais j'aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beauté ne sont que son écume
Cette femme était si belle
Qu'elle me faisait peur
Guillaume Apollinaire, Alcools, Poésie/Gallimard
Ghiberti (1)
mardi 1 septembre 2009
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