Quand Jean Grosjean
est mort, je suis allé
dans l'église de montagne
où j'entre souvent pour
retrouver le sens du
silence — quand il est
mort, Jean, j'ai lu
dans cette église,
à voix très basse,
en murmurant comme
la vie murmure quand on
a de la peine, j'ai lu
plusieurs de ses pages. Je
n'oublie pas les poètes
qui rassemblèrent mes paroles
et mes jours divisés.
* * *
Toute une après-midi,
j'ai recopié des noms
de fleurs — il pleuvait,
il ventait, vrai temps
de chien. A la fin,
je ne savais plus, sous
ma main crispée,
si les longues listes
écrites étaient un
passe-temps sans
intention, sans but,
ou le prolongement de
ce corps inconnu que
je sentais frémir
en moi, avec toutes
les fleurs de la terre.
Richard Rognet, Un peu d'ombre sera la réponse, Gallimard.