lundi 9 novembre 2009

William Faulkner (1)

LE RAMEAU VERT
(...)
-- C'était un matin à la fin de mai :
Une femme blanche, une blanche évaporée près d'un buisson,
Une blanche apparition miroitée par le lac ;
Et moi, mon vieux, j'étais sorti avant le jour
Dans ma petite machine aux oreilles pointues
La traquant à travers les espaces étincellants du ciel.
J'étais sûr de pouvoir l'attraper à mon gré,
Bien que jamais nymphe ne courût aussi vite qu'elle.
Nous montâmes, toujours plus haut,
Et la découvrîmes à l'orée d'un bois :
Une forêt de nuages. Je m'arrêtai,
Je sentis ses bras et sa fraîche haleine.
C'est ici que la balle me frappa, je crois,
Du côté du coeur
Et ma petite machine aux oreilles pointues ; je la vis tomber,
Le dernier vin de la coupe...
Elle, je pensais pouvoir la rejoindre quand je voudrais,
Mais, maintenant, après- tout, l'ai-je trouvée ? je me le demande.

On ne devrait pas mourir comme ça
Un jour pareil,
D'une balle rageuse ou d'une autre moderne façon.
Ah, la science est une bouche dangereuse à embrasser.
On devrait tomber, j'imagine, sous quelque dard étrusque
Dans les prairies où les Océanides
Fleurissent de leur danse le luxuriant gazon,
Et, un jour comme celui-ci,
Devenir une haute colonne torse : j'aurais aimé être
Une yeuse sur une île dans les mers violettes.
Au lieu de ça, je reçus une balle à travers le coeur --

(...)

William Faulkner, Le faune de marbre, Un rameau vert, Traduit par R.-N. Raimbault et A. Suied, Poésie/Gallimard