Il n'y a pas de souffrance ni de joie qui ne soient pas aussi dans le paysage. Certains jours, comme cela, sans que je puisse comprendre pourquoi, les rochers blancs souffrent, les arbustes souffrent, la mer est une grande étendue de douleur, le ciel a mal, même le soleil est serré en boule comme un animal qu'on a frappé. Ou bien d'autres jours, aussi mystérieusement, parce qu'il pleut, parce que l'eau tombe à verse et cascade, gonfle les ruisseaux, emplit les trous, je suis moi-même lavé, déchargé. Ensuite, quand après des heures la pluie cesse, tout est plus net, on sent le tranchant, on voit le contour de l'âme.
J.M.G. Le Clézio, L'inconnu sur la terre, L'imaginaire Gallimard