dimanche 9 janvier 2011

Jules Supervielle (4)

...........L'oiseau de vie

Oiseau secret qui nous picores
Et nous fais vivre en même temps,
Toi qui nous ôtes et nous rends
D'un bec qui nourrit et dévore,

Tantôt alouette ou corbeau,
De tes ambigus artifices
Tu fais, tu défais l'édifice
Nous sommes tes vivants morceaux,

Tu es l'oiseau de notre sang
Qui de la source à l'embouchure,
Se blesse et boit à ses blessures,
Pour aller se recommençant,

Tu nous plaques dessus tes ailes
Si bien faites pour s'envoler,
Toi qui sais nous rester fidèle
Mais c'est pour pouvoir nous troubler,

Oiseau de l'humaine ramée,
Sous tes coups de bec enflammés
Nous demeurons tes combattants
A bras le corps avec le temps

Et son étreinte de fumée.

Jules Supervielle, La Fable du monde, suivi de Oublieuse mémoire, nrf Poésie / Gallimard