dimanche 15 mai 2011

Mario Rigoni Stern (1)

. Une peau de mouton lui couvrait les genoux, maintenant que le poids des ans et les premiers froids de l'automne lui donnaient des douleurs. De temps à autre, d'un geste de la main, il envoyait sa chienne préférée surveiller le troupeau qui paissait un peu plus bas, et quand il avait consciencieusement scruté, jusque dans le moindre détail, le Gruppo di Brenta, l'Adamello et la Presanella, les lointaines montagnes qui marquaient la frontière avec la Suisse et l'Autriche, alors il se tournait pour recevoir le soleil de l'autre côté de son corps et commençait à méditer sur la Cime XII et sur l'Ortigara.
. Il connaissait chaque tranchée, chaque emplacement de mitrailleuse, chaque abri creusé dans le roc. Il savait où avaient été installés les batteries, les cuisines, les maréchaleries où l'on ferrait les mulets, les postes de soins et les petits hôpitaux de campagne ; les cimetières, jusqu'aux plus petits, où il avait enseveli ses camarades après les combats. En 1917, c'était un jeune alpin (...)
Mario Rigoni Stern, Sentiers sous la neige, trad. Monique Baccelli, La fosse aux ours.