dimanche 26 août 2012
Montagne (2)
Je m'adosse à son ombre,
je recueille dans mes mains son silence
afin qu'il gagne en moi et hors de moi,
qu'il s'étende, qu'il apaise et purifie.
Me voici vêtu d'elle comme d'un manteau.
Mais plus puissante, dirait-on, que les montagnes
et toute lame blanche sortie de leur forge,
la frêle clef du sourire.
Philippe Jaccottet, À la lumière d'hiver, Poésie/Gallimard
jeudi 23 août 2012
mercredi 8 août 2012
Italian Backgrounds (3)
Si par exemple l'on tourne le dos à l'ignoble hôtel, on a encore, un matin d'été, la vision la plus rare de bois, d'eau et d'architecture heureusement mêlés : la Sesia avec ses prairies douces et ses rives feuillues, ses vieilles maisons blotties au-dessus, et la haute falaise couronnées, par les chapelles du chemin de Croix. La nuit, tout se confond dans une beauté plus divine encore. Les grappes d'obscurité de la ville, avec ses lumières scintillantes, se répandent dans les plis des collines, délicatement tracés au clair de lune contre le ciel mauve. Ici et là, la lune polit une sombre masse d'arbres, ou isole un campanile aussi pâle et aussi précis qu'un objet d'ivoire ; tandis que loin au dessus, le sommet de la falaise lance contre le ciel, avec une pureté de contour presque grecque, les dômes blancs et les arches de l'oratoire.
mardi 7 août 2012
Italian Backgrounds (2)
Edith Wharton, Paysages italiens, Payot & RivagesEn revenant sur un ou deux kilomètres vers Sondrio, nous prîmes un tournant sur la gauche et nous nous mîmes à gravir les collines à travers les forêts de hêtres et de châtaigniers. À chaque coude de la route, les vues en contrebas de la Valteline vers Sondrio et Côme devenaient plus larges et plus belles. Qui n'a pas contemplé une telle perspective dans la prime lumière d'un matin d'août ne peut apprécier la vérité poétique de l'interprétation que propose Claude Lorrain de la nature : il nous semblait évoluer dans une galerie de tableaux suspendus. On y trouvait, à travers d'infinis degrés de distance, la même étendue de forêts onduleuses, les mêmes méandres argentés de la rivière, la même ligne aérienne de collines allant fondre dans un ciel sans limites.
Italian Backgrounds (1)
Edith Wharton, Paysages italiens, Payot & RivagesLe lendemain, nous conduisîmes à travers les grasses prairies de Tirano, l'une de ces villes italiennes sans histoire et sans renommée qui réservent à l'oeil attentif le trésor de leurs paisibles impressions. Il est difficile de nommer précisément un quelconque "effet" : l'amateur de paysages pressé n'y découvrirait que des rues ennuyeuses et des façades monotones. Mais par son ancienneté et son isolement, l'endroit est de grande qualité. Les maisons monotones sont des "palais" au fronton allongé et orné d'armoiries ; on y aperçoit des cours en arcades et des jardins où le maïs et les dahlias étreignent les statues brisées et étouffent les fontaines, où les raisins mûrissent sur le stuc décrépi des murs. Ici et là, on rencontre une église frivolement rococo, contrainte par le temps à se soumettre à son environnement dans une délicieuse harmonie ; une fontaine sur une place silencieuse, ou un balcon en fer forgé se jetant avec romantisme d'une façade à volets, ou l'un ou l'autre des cent détails caractéristiques qui composent la mise en scène de la moindre ville italienne. C'est précisément dans des lieux comme Tirano, où aucune beauté saillante ne fixe le regard, que l'on peut apprécier la valeur de ces détails, que l'on prend conscience de ce qu'on pourrait appeler la force négative du sens artistique en Italie. Lorsque le bâtisseur italien ne peut être grandiose, il peut toujours s'abstenir d'être mesquin ou trivial, et cette abnégation artistique donne à nombre de petites villes ternes, comme Tirano, la dignité architecturale dont nos grandes villes manquent.