lundi 12 janvier 2009

Pasolini (1)

Quant à moi
j'ai abandonné mon poste
de soldat sans solde, de volontaire dont
on ne voulait pas : le cinéma, les voyages, la honte...
Je le savais, je le savais déjà en rêve : mais au réveil je me suis
retrouvé en marge. D'autres protagonistes sont venus, sans l'avoir
voulu!, et envolées les hirondelles, ce sont eux maintenant qui foulent la
scène. L'Ève chassée se lamente du rire des Èves nouvelles; mais qu'est-
ce que ça fait? La vraie douleur c'est de comprendre ce qu'il en est : le
fait d'être derechef en 63 le même qu'en 43 - enfant en pleurs, apprenti
courageux : avec ses cheveux qui tombent, et se font gris!
Si le monde m'a rejeté de lui, tel un corps étranger, cela
s'est fait selon les règles historiques du néo-capitalisme:
tout homme fait son temps dans la vie, et s'effrite
avec ses problèmes. Il ne m'est pas donné de
connaître la nouvelle Italie née en ces
dix années qui semblent n'en être
qu'une seule : elles déjà en 64, et
moi en 54, et tous les marxistes,
avec moi, compromis dans les
passions des vieux
jours.

Pier Paolo Pasolini. Nouvelle poésie en forme de rose
(extrait)