lundi 4 mai 2009

Le Corre - Pourquoi la mer (1)


Toujours tu oublies,
toujours tu la retrouves,
la même, surgissant de l'oubli.

Autrefois tu voulais garder, fixer.
Maintenant tu laisses, tu laisses aller
ce mouvement. Déjà maintenant tu
oublies ce que tu vois, déjà tu laisses
cette nuée poudreuse de l'écume au
soleil, déjà tu n'entends pas ce fracas
roulant le long des falaises.
Tu vas comme elle va, l'insaisissable.

(...)

Peut-être ailleurs on peut emporter avec soi
le paysage, le tenir sur un carton, une toile ?
Mais tout bouge ici, le vent, l'eau, tout change
pendant que tu marches, tu ne retiens rien,
tu n'additionnes rien, c'est l'énormité du temps
diffracté dans cet espace d'eau, de soleil, de
vent qui t'enveloppe et qui t'échappe, toujours
là, toujours absent, infatigable réalité, infatiga-
blement fuyante dans sa répétition.
Tu n'oublies pas, c'est cela qui s'oublie de toi
quand tu effaces ta trace négligeable sur ces
bords.

(...)

René Le Corre. Pourquoi la mer. La part commune.