Le pont de Galata
Planté sur le pont,
Je vous regarde tous avec délice.
Certains rament tranquillement,
Certains plongent arracher les moules,
Certains tiennent la barre,
Certains sont des moussaillons chargés des amarres,
Certains sont oiseaux et planent façon poète,
Certains sont poissons, tout scintillants,
Certains sont navires, certains poteaux,
Certains sont nuages dans le ciel,
Certains sont petits bateaux et, cheminée abattue,
Passent sous le pont à toute allure,
Certains sont sifflets et sifflent,
Certains sont fumées et enfument,
Mais vous tous ... Vous tous
Pensez à gagner votre croûte.
Suis-je le seul feignant parmi vous ?
Un jour, qui sait, à mon tour
J'écrirai des vers sur vous,
Gagnerai trois sous,
Et repu sera mon ventre.
Orhan Veli. Va jusqu'où tu pourras. Bleu autour.
dimanche 21 juin 2009
samedi 20 juin 2009
Orhan Veli (1)
Le pêcheur sicilien
Un jour dans cent ans
Plus personne du monde d'aujourd'hui ne vivra.
Un matin d'été un pêcheur des côtes siciliennes
Jettera ses filets à la mer,
Observera le ciel plus vaste que d'ordinaire
Et fredonnera un vers de moi,
Ignorant qu'un poète nommé Veli
Fut de ce monde...
Bien sûr cette jolie pensée
Ne se réalisera jamais.
Mais alors pourquoi
Me fait-elle cette impression ?
Orhan Veli. Va jusqu'où tu pourras. Bleu autour.
vendredi 12 juin 2009
Franck Venaille (3)
Je me suis égaré dans la banlieue de vivre.
C'était un soir blafard comme je les aime assez
J'enseignais la solitude.
Donnant cours (magistraux!) à celles et ceux que ce mot, rien que lui, fait blêmir.
Disons que j'écris afin que Gabriel Fauré mette de la musique sous mes mots.
Je suis sans âge, pourquoi dès lors, ne pas unir les forces qui demeurent en moi avec celles d'un musicien composant désormais pour le cosmos.
Je me suis trompé, il n'y a rien à vivre sur cette terre.
Le corps humain ? Oui, peut-être, ses beautés muettes, sa mise à nu.
Ceux qui vivent des bénéfices que le plaisir leur octroie reviennent de leur voyage le teint blême, maudissant ces pulsions qui ramènent au néant.
Dernièrement j'ai eu entre mes bras un garçon qui, parfois, m'aime.
Mon-Amour veillait sur nous, peut-être fredonnait-elle d'anciennes mélodies flamandes ?
Notre père qui êtes aux cieux. Pulsions. Je ne vous salue pas.
...
Franck Venaille. Ça. MERCVRE DE FRANCE
C'était un soir blafard comme je les aime assez
J'enseignais la solitude.
Donnant cours (magistraux!) à celles et ceux que ce mot, rien que lui, fait blêmir.
Disons que j'écris afin que Gabriel Fauré mette de la musique sous mes mots.
Je suis sans âge, pourquoi dès lors, ne pas unir les forces qui demeurent en moi avec celles d'un musicien composant désormais pour le cosmos.
Je me suis trompé, il n'y a rien à vivre sur cette terre.
Le corps humain ? Oui, peut-être, ses beautés muettes, sa mise à nu.
Ceux qui vivent des bénéfices que le plaisir leur octroie reviennent de leur voyage le teint blême, maudissant ces pulsions qui ramènent au néant.
Dernièrement j'ai eu entre mes bras un garçon qui, parfois, m'aime.
Mon-Amour veillait sur nous, peut-être fredonnait-elle d'anciennes mélodies flamandes ?
Notre père qui êtes aux cieux. Pulsions. Je ne vous salue pas.
...
Franck Venaille. Ça. MERCVRE DE FRANCE
Franck Venaille (2)
Peut-être devons-nous
1 — 2 — 3
compter les journées de vraie joie
sur les doigts d'une main morte ?
Peut-être nous faut-il transformer
4 — 5 — 6
cri — crac — cri —
les râles en rire de ventriloque ?
*
J'avais
mal à vivre
ô
que j'eus peine
à trouver mon chemin
parmi
ronces et broussailles
tous ces fruits rouges que je
cueillais
avec élégance
avant
de leur confier
écrasé dans ma paume
mon
désespoir d'enfant.
*
Tragiquement tragique
la boiserie les vins les corps allongés
tragiquement tragique
la nudité du fleuve
en cette aube trop blanche
les regrets les remords
devant la vie hostile
crûment-crue
carrément criminelle
*
Faire sourire un corps mort !
On s'interroge
pour employer le mots justes
Puis
on raconte
Mais sans cesse
celui que la vie a quitté
exige une autre histoire
avec une autre fin
Et
l'on rentre chez soi
encore plus âgé
encore plus triste
*
1 — 2 — 3
compter les journées de vraie joie
sur les doigts d'une main morte ?
Peut-être nous faut-il transformer
4 — 5 — 6
cri — crac — cri —
les râles en rire de ventriloque ?
*
J'avais
mal à vivre
ô
que j'eus peine
à trouver mon chemin
parmi
ronces et broussailles
tous ces fruits rouges que je
cueillais
avec élégance
avant
de leur confier
écrasé dans ma paume
mon
désespoir d'enfant.
*
Tragiquement tragique
la boiserie les vins les corps allongés
tragiquement tragique
la nudité du fleuve
en cette aube trop blanche
les regrets les remords
devant la vie hostile
crûment-crue
carrément criminelle
*
Faire sourire un corps mort !
On s'interroge
pour employer le mots justes
Puis
on raconte
Mais sans cesse
celui que la vie a quitté
exige une autre histoire
avec une autre fin
Et
l'on rentre chez soi
encore plus âgé
encore plus triste
*
Franck Venaille. Ça. MERCVRE DE FRANCE
jeudi 4 juin 2009
Franck Venaille (1)
C'est nous les Modernes !
On nous reconnaît à la densité du silence que nous dégageons.
Silence !
On se tait. On a l'intention de se rendre dans des lieux hautement mélancoliques.
Et là, d'y trouver définitivement notre espace.
Silence !
Tout cela parce qu'un taxi, à ma demande, m'a fait traverser Paris, de nuit dans un émerveillement de néon, de voies ferrées, de cheminées d'usine.
Nous faisions chambre à part.
Lui : au volant
Moi : à l'arrière, cherchant d'éventuels arguments pour légitimer la présence sur mes genoux de mon Redoutable, calibre 7,65 à 2 canons superposés, avec leur silencieux.
Le chauffeur m'a laissé à quatre-vingts mètres de chez moi et j'en remercie le ciel immensément. Ce qui me fatigue c'est de voir la fatigue apparaître chez les autres fatigués.
Je propose que l'on crée un club (très clos). Peine perdue. Personne n'écoute personne.
La fatigue est une petite mort, l'ultime répétition générale de notre drame lyrique en trois actes.
Ô monde de la parole mensongère et de la prévarication, retourne-toi et juge moi !
Et que le verdict claque au vent, draps séchant au soleil d'automne.
Au vent d'automne séchant.
C'est nous les modernes
Nous qui déstructurons la vie ordinairement silencieuse.
La vie ! .. Mais de quoi parlez-vous ? Au nom de quoi ? Et qui vous y autorise ?
Adossé au mur de la caserne dans la guérite rouge de la nuit, j'attends.
Ça crie de froid là-dedans, ça hurle de salive.
Ça ça ça !
Même la mort s'y enivre.
On attend les caravanes, les convois d'armement.
L'opium fait rage pour filer la laine, détricoter le pull des femmes.
.......CE QUI EST A LA PORTÉE DU PREMIER MORTEL VENU
Ô figures peintes pour la lèpre
N'appelez pas l'ambulancier.
Quoi ! .. Vous semblez ignorer la puissance dévastatrice de mes sentiments : amour — passion — haine — mépris — jalousie — don de soi — envie — générosité de parloir.
Car je me rends, j'abdique, j'en est assez du Jésus et sa clique de beaux parleurs.
Assez de me rendre en Maison d'arrêt leur apporter un peu de réconfort
Qu'Il reste silencieux à jamais je m'en moque.
Que plus un son ne sorte de ma bouche je m'en moque.
Cela ne m'empêche pas de reprendre des jetons valables pour une vie nouvelles, payables comptant.
Hélas nous sommes des éclopés, des blessés, du moins, étrangement, nous leur ressemblons.
La vie est atrocement dure, non !
Femme fatale voilà un rôle qui me conviendrait parfaitement.
J'y puiserais des forces nouvelles et sentimentales inédites
Ô laissez-moi utiliser ma loge et, devant le grand miroir si violemment éclairé par six ampoules nues, me faire les cils en chantant : "C'est du rimmel qu'il nous faut."
Alors, adieu détresse ! Je ne suis plus cet homme qui attend toujours le pire. Je suis ce que je veux être : pyromane des cœurs d'amour blessés.
.......Finalement, il n'existe que la légèreté d'âme comme critère.
On nous reconnaît à la densité du silence que nous dégageons.
Silence !
On se tait. On a l'intention de se rendre dans des lieux hautement mélancoliques.
Et là, d'y trouver définitivement notre espace.
Silence !
Tout cela parce qu'un taxi, à ma demande, m'a fait traverser Paris, de nuit dans un émerveillement de néon, de voies ferrées, de cheminées d'usine.
Nous faisions chambre à part.
Lui : au volant
Moi : à l'arrière, cherchant d'éventuels arguments pour légitimer la présence sur mes genoux de mon Redoutable, calibre 7,65 à 2 canons superposés, avec leur silencieux.
Le chauffeur m'a laissé à quatre-vingts mètres de chez moi et j'en remercie le ciel immensément. Ce qui me fatigue c'est de voir la fatigue apparaître chez les autres fatigués.
Je propose que l'on crée un club (très clos). Peine perdue. Personne n'écoute personne.
La fatigue est une petite mort, l'ultime répétition générale de notre drame lyrique en trois actes.
Ô monde de la parole mensongère et de la prévarication, retourne-toi et juge moi !
Et que le verdict claque au vent, draps séchant au soleil d'automne.
Au vent d'automne séchant.
C'est nous les modernes
Nous qui déstructurons la vie ordinairement silencieuse.
La vie ! .. Mais de quoi parlez-vous ? Au nom de quoi ? Et qui vous y autorise ?
Adossé au mur de la caserne dans la guérite rouge de la nuit, j'attends.
Ça crie de froid là-dedans, ça hurle de salive.
Ça ça ça !
Même la mort s'y enivre.
On attend les caravanes, les convois d'armement.
L'opium fait rage pour filer la laine, détricoter le pull des femmes.
.......CE QUI EST A LA PORTÉE DU PREMIER MORTEL VENU
Ô figures peintes pour la lèpre
N'appelez pas l'ambulancier.
Quoi ! .. Vous semblez ignorer la puissance dévastatrice de mes sentiments : amour — passion — haine — mépris — jalousie — don de soi — envie — générosité de parloir.
Car je me rends, j'abdique, j'en est assez du Jésus et sa clique de beaux parleurs.
Assez de me rendre en Maison d'arrêt leur apporter un peu de réconfort
Qu'Il reste silencieux à jamais je m'en moque.
Que plus un son ne sorte de ma bouche je m'en moque.
Cela ne m'empêche pas de reprendre des jetons valables pour une vie nouvelles, payables comptant.
Hélas nous sommes des éclopés, des blessés, du moins, étrangement, nous leur ressemblons.
La vie est atrocement dure, non !
Femme fatale voilà un rôle qui me conviendrait parfaitement.
J'y puiserais des forces nouvelles et sentimentales inédites
Ô laissez-moi utiliser ma loge et, devant le grand miroir si violemment éclairé par six ampoules nues, me faire les cils en chantant : "C'est du rimmel qu'il nous faut."
Alors, adieu détresse ! Je ne suis plus cet homme qui attend toujours le pire. Je suis ce que je veux être : pyromane des cœurs d'amour blessés.
.......Finalement, il n'existe que la légèreté d'âme comme critère.
Franck Venaille. Ça. MERCVRE DE FRANCE
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