EN ORIENT
Lahore
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Je me suis fait monter du thé je vis
ici comme un vieux colonial anglais
les gens avec moi sont charmants c'est tel-
lement rare pour eux de voir un Blanc
qui se paie en plus le luxe de leur
sourire les garçons sont beaux les vieil-
lards admirables il n'y a pas ici
de nos hideux bourgeois bouffis de graisse
hélas la crasse et la poussière le
bruit l'encombrement Lahore Lahore
dans ce sous-continent tu vis pourtant
mieux que nombre d'autres villes demain
je prends le train pour Amritsar où les
Sikhs révoltés répandent la terreur
Bénarès
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je veux à nouveau m'aller promener
sur les berges du fleuve
voir le Fort implanté sur l'autre rive
et qui semble avoir sa raison
dans le vœu même du paysage
là le vent soulève
des armées de poussière
la foule des vélos
fait du bruit sur le pont flottant
les filets sont mis à sécher
dans la courbe du fleuve on voit la ville
où jours et nuits les cadavres pelés
supplient des bras et des genoux
dans les bûchers hurlants William Cliff, America suivi de En orient, Poésie/Gallimard