AYANAPA, I
Et tu vois la lumière du soleil comme disaient les anciens.
Pourtant je croyais toutes ces années que je voyais
marchant entre la montagne et la mer
conversant avec les hommes aux cuirasses parfaites ;
étrange, je n'avais pas remarqué que je voyais seulement leur voix.
C'était le sang qui les forçait à parler, le bélier
que j'égorgeais et étendais à leurs pieds
mais la lumière n'était pas le fameux tapis rouge.
Tout ce qu'ils me disaient il fallait que je le palpe
comme lorsqu'on te cache traqué la nuit dans une étable
ou que tu atteins enfin le corps aux profonds replis d'une femme
et que la chambre est pleine d'odeurs étouffantes ;
tout ce qu'ils me disaient peau écorchée et soie.
Étrange, je la vois ici la lumière du soleil ; le filet d'or
où les choses frétillent comme les poissons
qu'un grand ange ramène
avec les filets des pêcheurs
Georges Séféris, Journal de bord, traduit du grec par Vincent Barras, Éditions Héros-Limite