dimanche 14 février 2010

Charles Juliet (1)

30 octobre
(...)
.......J'ai passé ma journée à marcher sur les collines. Des écharpes de brume traînaient dans la plaine, mais sur les hauteurs, une lumière dorée exaltait les ocres, les bruns, les rouges des vignes et des arbres qui brûlaient dans l'air immobile.
.......Si vous saviez combien j'aime l'automne, combien je me sens accordé à cette saison. Les ardeurs de l'été ont pris fin, et avec elles, les tensions, parfois même le mal-être qu'elles entraînent. Une douceur est là, présente dans l'air, les lumières, les ciels qui pâlissent. En elle se profile la menace qui donne tant de prix à la splendeur de ces journées où la vie jette ses derniers feux. (...)
.......J'ai quitté les vignes, et grimpant sur les plus hautes collines, me suis enfoncé dans les bois. La voûte brune des frondaisons laissait filtrer une lumière rousse, chaude, qui répondait assez bien à celle qui régnait en moi. J'ai marché pendant une ou deux heures, goûtant le silence, humant l'air humide où flottait une odeur de champignons, observant les effets des rayons du soleil sur les troncs et les feuilles. Marcher dans cette lumière était un pur enchantement.
.......Cet enchantement n'a pas duré. Chaque fois que je suis en communion avec la nature, vient un moment où je découvre combien elle nous est étrangère, et la pensée que nos préoccupations, nos ennuis, nos angoisses, notre inguérissable misère, ne trouvent en elle aucun écho, me peine, me donne le sentiment d'être rejeté, éteint sur-le-champ les plaisirs dont elle me comble.
(...)
Charles Juliet, Dans la lumière des saisons, P.O.L