jeudi 25 février 2010

Pierre Reverdy (2)

La poésie a sa source à ce point de contact douloureux du réel extérieur et de la conscience humaine — à ce point où l'homme se désole de constater la supériorité de sa conscience sur les choses — qui n'en ont pas — et qu'elle soit en grande partie esclave de ces choses. Pour détrôner ces choses au profit de sa conscience, il les nomme — et, en les nommant, il s'empare et les domine. Mais il ne s'en empare et ne les domine qu'en les nommant comme il veut et en les pliant à sa volonté pour exprimer la réalité supérieure de son monde intérieur.
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La poésie semble donc bien devoir rester le seul point de hauteur d'où il puisse encore, et pour la suprême consolation de ses misères, contempler un horizon plus clair, plus ouvert qui lui permette de ne pas complètement désespérer. Jusqu'à nouvel ordre — jusqu'au nouveau et peut-être définitif désordre — c'est dans ce mot qu'il faut aller chercher le sens que comportait autrefois celui de liberté.


Pierre Reverdy, "La fonction poétique", dans Sable mouvant, Au soleil du plafond, La Liberté des mers, suivi de Cette émotion appelée poésie, édition d’Étienne-Alain Hubert, Poésie/Gallimard, 2003