mardi 3 août 2010

Kiki Dimoula (1)

La pierre périphrase

Parle.
Dis quelque chose, n'importe quoi.
Mais ne reste pas là comme une absence en acier.
Choisis ne serait-ce qu'un mot,
qui te liera plus étroitement
à l'indéfini.
Dis :
"en vain",
"arbre",
"nu".
Dis :
"on verra",
"impondérable",
"poids".
Il y a tant de mots qui rêvent
d'une vie brève, sans liens, avec ta voix.

Parle.
Nous avons tant de mer devant nous.
Là où nous finissons
la mer commence.
Dis quelque chose.
Dis "vague", qui ne tient pas debout.
Dis "barque", qui coule
quand trop chargée d'intentions.
Dis "instant",
qui crie à l'aide car il se noie,
ne le sauve pas,
dis
"rien entendu".

Parle.
Les mots se détestent les uns les autres,
ils se font concurrence :
quand l'un d'entre eux t'enferme,
un autre te libère.
Tire un mot hors de la nuit
au hasard.
Une nuit entière au hasard.
Ne dis pas "entière",
dis "infime",
qui te fait fuir.
Infime
sensation,
tristesse
entière
qui m'appartient.
Nuit entière.

Parle.
Dis "étoile", qui s'éteint.
Un mot ne réduit pas le silence.
Dis "pierre",
mot incassable.
Comme ça, simplement
pour mettre un titre
à cette balade en bord de mer.

Kiki Dimoula, Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais, nrf, Poésie/Gallimard